Retour sur la soirée du 29 septembre 2023 à la Maison Nicodème sur le thème de la fin de vie
La Maison Nicodème a accueilli une soirée de réflexion sur les enjeux de la fin de vie (dans une dimension interreligieuse), en lien avec l’actualité de la convention citoyenne. L’objectif de cette soirée était de privilégier, dans l’écoute et la bienveillance, le partage et le témoignage à partir d’expériences vécues (comme professionnels, accompagnants, parents, …) afin d’inviter chacun à se saisir, non sans humilité, de ce sujet complexe qui nous concerne tous et qui nous fait entrer en résonance avec notre part d’humanité la plus profonde.
Cette formule réconfortante, que l’on doit à une octogénaire (résidente d’un EPHAD) interrogée sur le sujet de la fin de vie, invite aussi à oser un regard plus constructif pour aborder la réalité de la fin de vie et se laisser confronter à une réalité inévitable pour laquelle il y a plus à « gagner » en l’apprivoisant qu’en la fuyant.
La fin de vie, un sujet d’actualité pour lequel il paraît important que chacun prenne le temps de s’informer, de se laisser interpeler, rejoindre… en déplaçant le regard sur cette réalité pour amener un peu d’espérance (pas forcément celle qui renvoie à l’intime de la spiritualité de chacun) mais plus simplement l’espérance que l’on peut placer en l’humanité dans la compassion et l’attention fraternelle.
« Parler de la mort, ça ne fait pas mourir ».
A partir des expériences concrètes partagées au cours de la soirée, quelques « clés » se sont fait jour afin d’ouvrir un chemin de réflexion pour mieux « appréhender » ce sujet aussi fondamental, essentiel et mystérieux de notre humanité.
La fin de vie
Dans sa dimension médicale : la notion de fin de vie interpelle parce que, tant qu’on est en fin de vie cela signifie qu’on est en vie. Et ce qui est important à ce moment-là, en tant que professionnel, mais aussi en tant qu’entourage, c’est de permettre d’assurer au patient les meilleures conditions possibles d’une vie correcte (humainement acceptable), quelle que soit la situation (état de santé, perte d’autonomie, handicap éventuel, situation sociale) dans laquelle il est.
Dans sa dimension spirituelle : fin de vie, de quelle vie parle-t-on ? Ce n’est pas la fin de la vie du corps puisque cela s’appelle la mort, mais de la fin de la vie du corps dans son utilisation optimale ou acceptable. La vie ce n’est pas que le corps, mais le corps et l’esprit. Quand Dieu crée Adam, il le façonne à partir de l’argile mais il n’y a pas encore de vie. La vie apparaît quand Dieu insuffle l’âme à Adam. La vie, c’est le corps et l’esprit. Ici on ne parle pas de l’esprit : le corps c’est réducteur.
Dans sa dimension sémantique : quand est-ce qu’on décrète la fin de vie ? Qui détermine que c’est la fin ? Sur quels critères ?
La dignité
Quand on est devant un malade, c’est d’abord une personne : ce sont des liens, une vie, bien plus qu’un visage ou une apparence ! La dignité n’est jamais perdue mais c’est nous qui l’oublions. Qu’est-ce que la dignité ? Être beau, fort, d’avoir le confort ? Est-ce qu’on manque de dignité lorsque notre apparence physique ou mentale se perd ? Ou est-ce que la dignité passe par notre capacité d’aimer et d’être aimé ? L’amour passe à travers cette rencontre qui donne à l’autre la possibilité d’aimer et d’être aimé. Il y a là quelque chose d’essentiel. Et cet amour ne s’arrête pas avec la mort, la disparition. Il reste présent.
L’accompagnement
Accompagner c’est prendre en compte la totalité de la réalité de vie du patient.
Accompagner pour être aux côtés de la personne, quelques semaines, quelques mois, des années…, par conséquent au rythme de l’autre : c’est lui qui a la compétence pour savoir ce qu’il veut, ce qu’il souhaite, la manière dont il veut que ce soit fait.
Accompagner, ce n’est pas tirer par la main vers ce que je crois être le bien de l’autre, cela ne signifie pas non plus le retenir, mais s’adapter à son rythme. Et c’est une chose extrêmement difficile, notamment pour les entourages, parce que le rythme peut être fluctuant.
L’apaisement
L’apaisement, pour les patients, est une nécessité absolue à vérifier. Si la famille est apaisée dans l’accompagnement qu’on lui permet, alors on est sur quelque chose de bien. « On a trouvé l’apaisement d’avoir ainsi accompagné notre père jusqu’au bout. On ne regrette pas. Si c’était à refaire on recommencerait : c’est l’accompagnement et la foi qui nous ont permis de tenir. » Le rituel dans l’accompagnement quotidien : une présence qui rassure face à la peur de la solitude. C’est par le geste, le regard que tout se passe et que Dieu passe. C’est nous qui faisons passer Dieu à travers notre prière, notre foi.
Le temps
La notion de temps : accepter d’être dans des temporalités qui ne sont pas les mêmes : celle du patient, celle des soignants, celle de la famille. Et cependant essayer quand même de les raccorder un tant soit peu afin d’être ensemble, autour du patient, dans l’accompagnement. Il faut avoir à l’esprit que cela n’est pas toujours facile à réaliser.
L’humilité
Du point de vue du praticien : les témoignages incitent à une certaine humilité devant la singularité de chaque situation. Chacun de nous est différent, par son histoire, sa culture, sa personnalité, sa façon d’être, son physique, son psychisme. Mais dans cette singularité ce qui est important, c’est de la maintenir. On ne peut pas tous entrer dans le même cadre. Et l’une des difficultés de la législation, c’est de bâtir un cadre dans lequel on voudrait faire entrer tout le monde, en sachant qu’il y aura toujours une exception qui ne pourra pas entrer dans le cadre.
L’espérance dans l’empathie
Les témoignages entendus nous rejoignent dans une fraternité universelle : c’est très enrichissant et cela montre à quel point, finalement, même si chacun a une approche différente de la vie, c’est la même vie que l’on partage. Dans cette ultime étape de la fin de vie, l’amour est présent. C’est là quelque chose qui doit nous animer dans l’échange. Dire à quelqu’un qu’on l’aime, cela transforme sa vie. Quelque chose de l’amour est important à faire passer dans ces moments-là. L’amour est le langage que nous avons tous en commun. Mourir dans la solitude doit être quelque chose d’atroce. Quelle que soit notre croyance, en humanité nous avons le devoir de travailler la fraternité. Si elle se joue vraiment, on crée des liens et cela permet que les mots se disent : croyants ou pas, confrontés à la finitude de l’autre on peut alors malgré tout être témoin d’une espérance.